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Battement de rappel

Battement de rappel

idatu, Calafronu et Géraud se séparent pour ratisser plus large. Ils rameutent Généraux et Aides-de-camps.

Le plus jeune des trois, Hippolyte, arrive à la tente  du Général de division André Masséna, le complice de toujours de Pierre Augereau. Le Niçois, âgé de trente-huit ans à peine, s’est essayé à la contrebande, voir la piraterie par le passé. D’où le goût qu’il a conservé pour le pillage, goût qui exaspère d’ailleurs Napoléon, lui qui veille du mieux qu’il peut à la bonne image que véhicule son armée auprès des peuples qu’elle libère  du joug féodal. C’est un homme assez grand et râblé à la chevelure bouclée et aux joues pleines. Ses yeux brillants de malice et son sourire jovial cachent un tempérament de feu et un indomptable appétit de victoire.

Le Général Masséna

Le Général Masséna

Le Général est au lit, en train de dormir. Le lit de camps est le seul luxe que peuvent se permettre les haut-gradés de l’Armée d’Italie, une armature de fer pliable qui soutient une toile tendue où l’on étend un matelas, puis un traversin, un oreiller et une couverture, le luxe tel qui devait se pratiquer chez les plus grandes familles  de Sparte. Pour une plus grande intimité, la grande majorité des lits sont équipés de baldaquins, comme c’est le cas pour celui du Général Bonaparte. Celui-ci est taillé dans un simple tissu, le brocart, le velours ou autre étoffe précieuse n’ont effectivement rien à faire dans un campement militaire, surtout celui de la République.

Le jeune soldat s’approche et tente de réveiller le trentenaire:

«Général Masséna! Général Masséna!»

Celui-ci a un sommeil assez lourd car il ne s’éveille point.

L’adolescent recommence en le secouant:

«Général Masséna! Je vous en prie! Éveillez-vous!»

«Mmmmmmm...Qu’y a-t-il donc?» demande le dormeur qui émerge enfin de son sommeil et tournant la tête vers le Vauréen.

«Le Général Bonaparte vous attend séance tenante à sa tente. Il y a conseil de guerre.» lui répond celui-ci.

La phrase n’est pas finie qu’André est déjà hors du lit, en train de se rhabiller. Tout en enfilant sa redingote, il demande au jeune émissaire:

«Dis, pichon, peux-tu me dire où nous allons nous battre?»

«D’après ce que j’ai compris, se sera à Arcole, Citoyen Général.»

«Arcole...Pourrais-tu m’en dire davantage?»

«Oui, bien sûr...»

Et le jeune garçon lui raconte tout, sans omettre le moindre détail, le pont, les mouvements de l’ennemi et les marécages. Tout en remettant ses bottes, Masséna l’écoute et grimace à entendre la présence des eaux stagnantes. Quand Hippolyte se tait, il maugrée avec l’accent du Comté de Nice, appartenant désormais à la France, grâce à Bonaparte, sous le nom d’Alpes maritimes:

«Porca Miseria! Il nous manquait plus que cela! Voilà des marais qui nous bisquent bien. Cela ne me dit rien qui vaille, cette histoire.»

«C’est vrai! Nous avons l’habitude de franchir des ponts mais pas nécessairement des marécages...» rétorque Hippolyte.

«Comme tu le dis, pichon. Franchir des ponts sous la mitraille, on connait, nous l’avons déjà fais à Lodi. Mais à Lodi, nous n’avions pas de marécages pour nous empêcher de manoeuvrer! Je me demande quel va être le plan du Petit Caporal pour faire fi de cette difficulté inattendue... Tiens, passe-moi ma ceinture, veux-tu...»

Comme tous les officiers, le Niçois porte une ceinture de tissus aux couleurs de la nation. Le fils de l’ancien notaire royal de Lavaur s’exécute. Tandis que Masséna se ceint la taille avec la longue pièce de textile, avec une certaine habitude, le soldat lui avoue:

«Le Général Lannes n’en paraissait guère ravi, lui aussi.»

«Cela ne m’étonne pas. Il est hardi mais pas fou! Le combat sera rude...»

Le Général de division met son chapeau et s’apprête à sortir de sa tente. Au passage, il met une main rassurante et puissante sur l’épaule de Fidatu:

«Ne t’inquiète donc pas, pichon! Fais confiance à Bonaparte, je le connais maintenant. Il trouvera la solution à ce problème.»

Au même moment, Géraud Duroc retrouve Jean Andoche Junot, membre éminent de l’État-major de Napoléon, lui aussi au lit mais en train de lire:

«Junot!»

«Mmmmmm?» se contente de répondre le Bourguignon, plus jeune de deux ans que le Vainqueur de Toulon, connaissant Napoléon depuis la reprise du port en question, rendu irrascible par sa blessure reçue à Lonato, mais arborant un visage d’enfant qui cache bien un tempérament explosif.
 

Le Colonel Junot

Le Colonel Junot

«Lève-toi donc et viens avec moi!»

«Et pourquoi je me lèverai, par hasard?» bougonne La Tempête.

«Parce que Bonaparte organise un conseil de guerre.» lui répond Géraud.

À ces mots, Andoche se relève brusquement et s’assoie sur son lit:

«Comment! Et où allons-nous nous battre?»

«À Arcole!»

«Arcole, veut-il les prendre sur les arrières?»

«Exactement. Mais, je te préviens, ce ne sera pas une partie de plaisir...»

Le jeune Aide-de-camps, prêt, se lève. Tout en partant, il déclare à son aîné:

«Tu titilles ma curiosité, Citoyen. Tu m’expliqueras en cours de route.»

Dans le même temps, Robert Lafeuille retrouve Louis Berthier, qui n’est rien de moins que le Chef de l’État-major de Bonaparte. Avec ses quarante-trois ans, il fait figure de vétéran parmi tous ces jeunots de vingt ou trente ans à quelques exceptions près. Il a un nez droit et une petite fossette au menton. Ses cheveux châtains et frisés sont portés jusqu’à l’épaule et contraste fortement avec ses yeux bleus. Ce héros de la Guerre d’Amérique avait permis, durant les premières heures de la Révolution, à plusieurs membres de l’entourage du roi et de la reine de s’enfuir, échappant ainsi à un funeste destin. Il est connu pour sa sévérité mais aussi pour son soutien indéfectible au dessein de Napoléon.
 

Le Chef d'Etat-major Berthier

Le Chef d'Etat-major Berthier

Le Versaillais arrête le Fenouilhétain en pleine course:

«Halte-là, jeune homme! Pourquoi cours-tu ainsi?»

«Ah! Chef, je vous cherchais...» souffle celui-ci hors d’haleine.

«Me voici, petit Calafronu. Pourquoi me cherches-tu donc?»

Oui, Géraud n’est pas le seul à avoir pris le pli et d’appeler certains comme Napoléon le fait. Louis a aussi succombé à cette mode et appelle Robert Calafronu.

«Le Petit Caporal veut attaquer demain le village d’Arcole. Il souhaite vivement que vous assistiez au conseil de guerre.»

«C’est vrai que tu es allé y faire une reconnaissance, Calafronu! Dis-moi, qu’y a-tu vu pour que Bonaparte se décide à passer à l’attaque?»

Celui-ci lui rapporte le résultat de ses observations au-delà de Ronco. Comme pour Lannes et Masséna, l’évocation des marécages défendant le pont et l’entrée du village d’Arcole fait très vivement réagir Berthier, quand au mouvement de l’ennemi, il ne fait que redoubler l’inquiétude de ce fin érudit:

«Comment! Napoléon veut attaquer cette véritable forteresse, en attaquant par des marais!  Aurait-il perdu la tête? Voilà une entreprise bien voir trop téméraire!»


Sans en attendre davantage, il se précipite à la tente de Bonaparte, suivi par Robert.